Le dictionnaire des Yôkai : nouvelle édition chez Pika

Shigeru Mizuki, célèbre mangaka spécialiste de l’horreur, des monstres et des fantômes japonais a rassemblé sous la forme d’un dictionnaire composé de deux tomes pas moins de 500 Yôkai. Une référence pour tous les férus de paranormal et autres fantasmagories nippones.

La sortie de cette ré-édition des deux tomes du « Dictionnaire des Yôkai » est prévue pour le 18 février 2015 chez Pika édition. Une version au format agrandit pour profiter au mieux des sublimes illustrations du maître.

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Je me suis offert la première version de cette encyclopédie il y a quelques années déjà et je dois dire que je m’y réfère régulièrement. C’est une mine d’information pour apprendre à déchiffrer les nombreuses références aux Yôkai présentent dans la culture littéraire et cinématographique du Japon.

C’est également une découverte passionnante des légendes et des contes populaires du Japon à travers les siècles. Les plus anciens Yôkai répertoriés datent du Moyen âge comme les célèbres Tanuki présents dans le film d’animation « Pompoko » d’Isao Takahata.
On y suit le destin de ratons laveurs dotés de pouvoirs magiques qui luttent pour préserver leur territoire au sein d’une forêt menacée par l’extension urbaine. Une guerre oppose alors les Yôkai et les humains.

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Les Yôkai trouvent une place importante dans les manga, que ce soit des voyages initiatiques Shônen ou bien du Shôjo bien sentimental. Shigeru Mizuki les a d’ailleurs re-popularisé par le biais du manga « Gegege no Kitaro » créé en 1959, adapté ensuite en série animée puis en film live. L’histoire est celle d’un jeune garçon borgne né une nuit d’orage dans un cimetière, de parents morts-vivant. Mi-homme, mi-yôkai, il devient alors une sorte de médiateur entre le peuple des Yôkai et celui des humains. Un grand classique dans l’univers du manga disponible aujourd’hui chez Cornélius édition pour la version française.

On l’a bien compris, ce que Mizuki veut faire passer en redonnant leurs titres de noblesse aux Yôkai, c’est avant tout une volonté de garder une part d’imaginaire importante dans notre monde d’aujourd’hui. S’inspirer du folklore, des légendes.

Là où il se distingue, c’est par son côté méticuleux et extrêmement précis. Les nombreuses recherches qu’il a mené ont permis de déterminer le plus précisément possible les caractéristiques et origines des Yökai. Tout est confirmé par des sources, des traditions minutieusement localisées et répertoriées. Mais ce qui est le plus touchant dans cette œuvre c’est la manière dont Mizuki nous présente les Yôkai.

Non pas comme dans un classique dictionnaire ou une encyclopédie rigide, mais bien comme une succession d’histoires qui amènent à l’ouverture d’esprit, une croyance de l’invisible, des illusions. Le tout dans un style imprégné d’humour comme on le constat à travers cet extrait, un de mes Yôkai favori : « Fusuma : Fusuma, la housse de couette, est un yôkai qui bouche les yeux,le nez et les cinq sens. Son existence est attestée dans toutes les régions.

Il semble qu’à Tokyo apparaissait une variante : Nobusuma autrement dit la housse de couette des champs. Elle bouche les yeux ou le nez pareil, mais j’ai l’impression qu’elle est plutôt de la famille des écureuils volants. Fusuma est en général de grande taille, notamment celle du pays de Tosa : elle est immense, et une fois pris dedans on ne voit rien et on ne se sent plus vivant. On dit qu’elle disparaît seulement si on a assez de tripes pour demeurer assis sur place sans bouger. Une petite pause tabac fait aussi sont effet, d’une part parce que certains Yôkai détestent la fumée du tabac, d’autre part parce que cela aiderait à retrouver son calme… » (Yôkai, Dictionnaire des monstres japonais, volume 1, p.89).

Dans un autre genre mais tout aussi connu, le célèbre manga « Naruto » où le personnage principal du même nom est habité par l’esprit d’un renard à neuf queues qui n’est autre qu’une créature venant tout droit de l’univers Yôkai. On retrouve d’ailleurs ce personnage dans le non moins célèbre jeux vidéo « Sonic » ainsi que dans tout l’univers des « Pokemon ».

Même constat du côté de l’animation qui regorge d’histoires autour des Yôkai. Les plus connus en France sont bien sûr les œuvres de Miyazaki avec une pléiades de références aux Yôkai. Princesse Mononoke (en VO Mononoke Hime qui signifie littéralement Princesse des Yôkai) en est l’exemple le plus marquant, on y retrouve toutes sortes d’êtres surnaturels, divinités issus des animaux de la forêt (sanglier, loups, cerf…). « Sen to Chihiro » s’intéresse aussi à cette thématique commune à l’œuvre de Miyazaki qu’est l’écologie et plus particulièrement le rapport entre la nature et l’imaginaire.

Une animation qui est passée un peu plus inaperçue en France malgré une qualité graphique extra et un scénario irréprochable, l’excellent « Un été avec Coo » de Keiichi Hara sorti en 2008. C’est l’histoire de Koichi, un jeune écolier de la banlieue de Tokyo qui découvre un Kappa, un esprit de l’eau, fossilisé dans un rocher. Bien vite le petit animal monstrueux revient à la vie et la famille de Koichi décide de l’adopter et de le baptiser « Coo« . Très vite stigmatisé comme bête de foire, Coo se retrouve acculé par la pression médiatique et populaire. Une histoire chargée d’émotions sur la confrontation du Yôkai avec la société contemporaine.

Et plus récemment « Momo e no tegami » de Hiroyuki Okiura sorti au Japon en 2012, l’histoire d’une jeune fille qui se lie d’amitié pour des Yôkai.

A travers ces quelques exemples nous comprenons bien l’importance des Yôkai dans l’imaginaire Japonais. L’aspect inédit de cet ouvrage édité en français nous offre l’opportunité d’approfondir nos connaissances pour le folklore et les légendes, les monstres et les fantômes venu du Japon.

J’en profite pour attirer votre attention sur l’œuvre entière de Shigeru Mizuki notamment avec le magnifique « Nononbâ », un manga drôle, touchant et généreux à l’image de son auteur. Un ouvrage qui a été récompensé à Angoulême lors du festival de bande dessiné en 2007 . Et pour les curieux, l’album « Opération mort » un autre de ces chefs d’œuvres, je ne vous en dit pas plus.

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