Rencontre avec DAVID ASAVANOND, le farang du cinéma made in Thailand

Regard vif à la repartie tranchée, ce bordelais de naissance aux origines bretonne par sa mère et thaïlandaise par son père était destiné a épouser une vie faite de tumultes, de rencontres et de remises en questions : « Selon mes souvenirs, c’est à partir de 3 ans que je suis parti vivre en Thaïlande. À 12 ans je suis parti en Angleterre pour mes études. Ensuite, direction les États-Unis pour faire ma licence en psychologie. » Par ces quelques mots, David Asavanond, ce franco-thai acteur de cinéma, nous raconte sa vie dans un entretien à fleur de peau.

Pour David, comprendre l’autre, s’interroger sur le comportement humain a toujours été une motivation essentielle qui a pour origine ses difficultés personnelles entre un fils et son père. « En rentrant en Thaïlande après mes études, je n’avais qu’une idée en tête. Recréer un dialogue et une relation avec mon père tout en explorant les possibilités professionnelles qui m’était offertes« . Malheureusement, David Asavanond explique que dans sa vie rien n’est un long fleuve tranquille. Sa quête du fils aimant pour son père n’a pas eu lieu. Acculé, sans réel espoir d’une vie meilleure, il décide de retourner en Europe là où il s’est forgé sa personnalité, là où il a puisé sa force pour avancer, dans une vie qui ressemblait à un mauvais  »trip » en montagnes russes.

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Accueilli par sa famille en Bretagne, David a ressenti un vide, un déracinement, celui de n’être pas totalement français aux yeux des autres : « Le fait que je n’ai pas fait d’études et ni avoir grandi en France, m’a donné l’impression, que je me faisais rejeter. Dans certains entretiens où il y avait plusieurs intervieweurs, on riait de moi et on se foutait même de ma gueule. Cette expérience a y bien réfléchir fut plus amusante que frustrante » Alors comme pour beaucoup de français, l’eldorado d’une vie meilleure s’appelle l’Angleterre. En traversant la manche, David a trouvé rapidement un petit boulot dans un hôtel dans le quartier de Belgravia à Londres. L’idylle ne dura qu’un an et de retour au pays il ne savait toujours pas ce que l’avenir lui réserverait : « J’avais 26 ans et j’étais complètement perdu. Mon seul objectif était de passer le permis de conduire ». Le précieux papier rose en poche direction la Thaïlande pour commencer un nouveau départ, une nouvelle vie avec sa petite amie. C’est à ce moment précis qu’un déclic inattendue se produisit, cette flamme qui jaillit de nulle part qu’il le poussa à se lancer dans une carrière de comédien. Une façon pour lui de combattre ses propres démons, un exutoire à tous ces accidentés de la vie dont il fut dès le départ, l’acteur principal.

« j’ai un petit faible pour le cinéma par rapport au théâtre car quand tu es un gosse les films vu à la télé restent ancré dans ta mémoire à vie. C’est grâce aux films que j’ai eu la volonté nécessaire pour devenir comédien. »
David. A

Ce fantasme autour du cinema David le conserve comme une boite à trésor que les enfants cachent sous leur lit, un moyen comme il l’explique d’être au plus près d’une vision qui le rend immortel : « l’occasion de jouer, l’occasion de faire de nouvelles connaissances, l’occasion d’explorer, l’occasion de rêver de songer, l’occasion de vivre en dehors des normes de la Société. En gros…c’est le kiffe totale. »

Quant on lui demande ce qu’il pense du cinéma français en Thaïlande, il ne fait pas dans la langue de bois : « je n’en pense rien car il y a très peu de films français projeté ici. Le plus souvent ce sont des films thaïlandais et américains, des blockbusters. » Par contre il délecte chaque moment où il découvre une production de l’hexagone notamment lorsqu’il rentre au pays : « J’ai quand même de la chance de me rattraper quand je vais voir ma famille en Bretagne. Tout d’un coup c’est, « David, il faut que tu vois si, David il faut que tu vois ça, et il y a un nouveau film qui va sortir; ça a l’air très bien!!! » J’ai l’impression d’être dans Matrix où on te mets une grosse perfusion cérébrale pour télécharger tout ce que j’ai pu raté pendant mon absence. »

Mais plus sérieusement, David trouve toujours intéressant ce décalage de culture et la façon dont l’outil cinema est perçu dans ces deux pays. Peut être est-ce un cliché mais il évoque ce coté très solennel que le cinéma français se donne. Une institution culturelle à la démarche artistique avec ses codes, ces cercles d’initiés etc… Concernant la Thaïlande on occulte les polémiques sur les films d’auteurs et les films dit populaires en prenant le parti de faire du cinéma, un pur produit de divertissement : « En Thaïlande, les consommateurs de cinéma aiment surtout les films comiques, les films d’horreur et les films d’amour. Si on commence à dévier vers les biopics ou les films qui font un peu réfléchir sur sa propre vie, ses pensées, là…ils commencent à ne pas trop apprécier. Heureusement, qu’il y a un public de plus en plus friand à la nouveauté et l’originalité ».

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Quand on évoque alors ces participations aux productions thaïs, il nous donne son expérience lors de ces deux films majeurs dont Countdown qui lui a valu plusieurs prix, 3 fois meilleur acteur pour les Thailand National Film Association Awards, aux Bangkok Critics Assembly Awards et aux Surasawadee Awards. Son dernier film est The Last Executioner , un biopic sur le dernier bourreau de Thaïlande incarné par Vithaya Pangsringam, le  »méchant » de Only God Forgives avec Ryan Gosling. « Pour Countdown, je jouais Jésus un dealer de drogue, l’un des rôles principaux et c’était mon premier film donc beaucoup de pression. Il fallait que je me donne à fond dans ma performance pour être convainquant. Il fallait parler comme un New Yorkais mais avec l’attitude d’un dealer, l’énergie dans mon personnage devait être à 100% tout le temps dans toutes les scènes!!! J’étais mort à la fin de chaque jour de tournage. »

Pour The Last Executioner, je jouais le rôle de « l’esprit. » Une entité que seule Chavoret ( Vithaya Pansringam) peut voir. Je le suis partout et je joue sur sa conscience parce que ce qu’il fait comme travail pose beaucoup de questions morales et les décisions qu’elles engendrent dans sa vie. C’était bien sur très différent de Countdown, tout était surtout dans le regard de mon personnage et de ma présence sur le tournage.

Coté anecdotes il se rappelle très bien qu’il devait s’isoler avant chaque scène pour Countdown à la différence de The Last Executioner où il passait beaucoup de temps à s’amuser sur les plateaux :
« J’ai tendance à faire l’idiot quand on tourne parce que j’adore ce que je fait et je m’amuse beaucoup, alors souvent le réalisateur me dit de canaliser mon énergie. » Cet amateur de foie gras et de champagne, et aussi une personne éclectique :  » Quand on me parle de mes films préférés j’ai toujours en tête « Danse avec les loups »qui restera peut-être un des plus grands film pour moi. Les grands espace, le sentiment de liberté, le courage d’accepter la différence…
J’adore aussi « Les Trois Frères » parce que j’adore les inconnus et leurs sketchs. Le scénario et bien écrit et la fusion des trois compères est parfaite. J’ai vu ce film avec mes frères et ma sœur au moins 30 fois. Et puis , mon film japonais préféré : « Nobody knows. » L’histoire d’abandon d’enfants, un film qui m’a beaucoup ému. Dit-il en se grillant une clope car il nous explique que tout le cérémonial autour de la cigarette lui permet de garder en tête les moments avec les gens qu’il croise.

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David Asavanond, ce rebelle pas tenté, n’est pas du genre frimeur mais plutôt discret. « Je passe mon temps avec ma compagne, mes chiens, mes chats. Je me rattrape des films que j’ai raté, je lis, je fais du jogging, je joue à la console et je vois mes amis de temps en temps quand il sont disponibles. » Interrogé sur la situation politique de son pays, l’ancien étudiant en psychologie plus fan d’Anthony Hopkins dans Hannibal Lecter que de Lorraine Bracco dans les Sopranos nous donne sa vision des choses et tient à calmer le jeu sur le déferlement médiatique du coup d’État : Les Occidentaux s’affolent toujours quand ils entendent qu’il y a eu un coup d’état militaire mais ici, c’est plutôt un recommencement. Il y avait trop de corruption et la tension entre les deux camps, les chemises jaunes et les chemises rouges s’aggravait. Je pense que le Général Khun Prayuth Chan-o-Cha voyait que cela pouvait mal finir alors pour éviter la guerre civile il a prit les choses en main et en quelque sorte à appuyer sur le bouton « reset. » On verra dans quelques moi si cette décision fut judicieuse. »

Mais d’un point de vue de la liberté d’expression, lorsque l’on évoque la possibilité que l’art soit menacé de censure, ce dont il en est tout à fait conscient, il admet que parfois il faut censurer pour éviter tout et n’importe quoi, afin de conserver une cohérence dans les approches artistiques : « En Thaïlande il n’y a pas de CSA, mais les politiques sont très vigilants. La grossièreté peut être tolérée je trouve, quand l’utilité est justifiée par l’histoire et par le personnage aux moments appropries dans le film. Sinon, c’est juste une longue liste d’insultes qui n’a pas de sens où l’art n’existe même plus. si on laisse tout passe et qu’on permet tout, bientôt il n’y aura plus de différence entre par exemple un film sensuel et un film porno. »

David Asavanond est donc un personnage attachant, atypique, un gars qui sort des chantiers battus au destin changeant. Un Karma puissant qui, on lui souhaite lui ouvrira un jour les portes d’une carrière en France voire à Hollywood, le rêve d’un gosse dont le film de sa vie ne s’est pas encore terminé.