Critique : Metro Manila de Sean Ellis

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Avec son affiche aguicheuse d’un homme pointant une mitraillette sur la ville, on pouvait s’attendre à un western urbain nerveux parsemé de règlements de compte… seulement Metro Manila ne nous embarque pas du tout dans cette direction. Le réalisateur britannique Sean Ellis nous propose un entre deux : un récit social sur la condition d’une famille paysanne qui arrive dans la métropole, mais également un thriller en deuxième partie de film. Une grande ambition qui apparaît au final pas réellement maîtrisée, les deux axes ayant du mal à coexister.

Pour ceux qui s’attendent à voir de l’action, il faut attendre 1h20 avant d’avoir des moments de tension (et pas d’action). La première partie du film, qui aurait pu être la plus intéressante, dépeint donc les déboires de cette famille dans un Manille moderne, dur, qui n’a rien à offrir à ces nouveaux arrivants. Malgré la vraisemblance apportée à la description de la pauvreté des Philippines : bidonville, prostitution, gangs, kidnapping, etc… un sentiment étrange de superficialité se dégage, comme si Sean Ellis souhaitait nous montrer ce qu’il avait découvert en voyageant là-bas, donnant l’impression qu’un regard extérieur est porté tout du long sur cette ville et ce pays, effleurant quelque chose sans jamais le révéler réellement. A titre de comparaison, Slumdog Millionnaire semble, lui, vraiment raconté de l’intérieur tout en étant une grosse production hollywoodienne.

L’aspect thriller dans Metro Manila se déclenche donc dans la dernière demi-heure et manque malheureusement de tension, de rythme, d’enjeux, pour réellement emporter le spectateur.

La photo reste un des points forts du film, visiblement tourné avec les appareils photo 5D de Canon, les plans de Manille la nuit sont beaux, et le dispositif de caméras légères permet au réalisateur de faire des plans proches de ses comédiens, mais aussi des plans volés, comme la scène prise lors d’une procession.

Jake Macapagal, le héros du film, bien qu’attachant, manque de charisme, et semble souvent perdu. Althea Vega qui incarne sa femme est elle plus vraie que nature, et la tristesse qui se dégage de son regard permet au film d’atteindre parfois des moments de vérité.

La réussite du film se trouve essentiellement dans sa fin, c’est par ailleurs assez déstabilisant d’avoir aussi bien réussi la fin. Il est dommage que le reste du film n’est pas été aussi enthousiasmant car le réalisateur avait le potentiel de faire quelque chose qui marque véritablement les esprits.

Sean Ellis, ancien photographe de mode, est devenu réalisateur d’abord du court-métrage très remarqué Cashback puis de sa version longue moins aboutie mais tout aussi maîtrisée au niveau de l’image. Le réalisateur qui se dirigeait vers des films pops acidulés, plein d’idées visuels, change ici complètement de ton, et d’approche dans sa mise en scène, pour se frotter à un cinéma de genre côtoyant le documentaire et le social. Si le film n’est malheureusement pas une entière réussite, il ouvre sûrement une nouvelle voie dans l’expression du metteur en scène, qui reste donc à suivre…