Critique : Air Doll de Hirokazu Kore-eda

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Air Doll est un film basé sur le manga de Yoshiie Gōda, The Pneumatic Figure of a girl, qui raconte l’histoire d’une poupée gonflable qui se voit dotée d’une âme. Autant dire qu’en allant voir ce film au cinéma, je me suis d’abord demandé ce que je faisais dans la salle, moi, petite jeunette de 25 ans à l’époque, entourée d’hommes d’âges plus ou moins mûrs, peut-être autant portés sur la qualité plastique de Bae Doona, que sur la poésie de la relation décrite sous nos yeux. Ou même sur la dureté et la violence du sentiment d’abandon émanant des images balancées à tout vent sur nos consciences aveugles.

Rien que ça, oui… ! Car Air Doll, c’est tout ça à la fois !

C’est d’abord une histoire de vie, toute simple. Une vie faite de routine, de solitude. Une vie dépeinte d’une manière si crue que chaque seconde qui passe fait naître un sentiment de pitié. Mais aussi une sorte de révolte intérieure qui crie son renoncement à s’abandonner à ces habitudes qui tuent de l’intérieur, à petit feu, l’être humain se transformant peu à peu en machine.
Cette histoire, c’est celle d’un homme, Hideo, qui s’est acheté une poupée gonflable qu’il nomme Nozomi. Pour lui, cette poupée est une compagne à part entière : il l’habille, lui parle, la coiffe, dîne avec elle, et bien sûr ils ont également des relations sexuelles. C’est un peu l’utilisation première d’une poupée gonflable après tout !

Mais, petit à petit, Nozomi s’anime et s’aperçoit qu’elle a été créée avec un cœur. Et le spectateur passe d’une cruelle vision du monde ultra-capitaliste où l’Homme s’oublie au profit des contraintes quotidiennes, à celle, beaucoup plus poétique, des contes de notre enfance, et notamment celui de Pinocchio. Car, sur le même schéma, Nozomi s’ouvre au monde, trouve un travail dans une boutique de vidéos et fait petit à petit l’apprentissage de la vie des humains, de leurs sentiments et de leur solitude, et puis à la fin, de leur mort.

L’atmosphère du film est extrêmement importante, et propice à la réflexion. La société malade dans laquelle évolue Hideo le rend peu à peu esclave de lui-même, le transformant presque en machine. Et à l’inverse, Nozomi, qui n’est au départ qu’un objet dont l’utilité n’est que de rendre la vie d’Hideo un peu plus belle (ou un peu moins moche), s’éveille à la vie, avec toute l’innocence de son œil neuf, et toute la candeur de son esprit pur et non perverti (contrairement à son rôle premier…). De leur relation qui évolue au fil du film, naît toute la poésie de cette ode à la vie, qui tend à nous montrer que là où il ne subsiste plus rien d’humain dans les excès de nos sociétés, l’espoir d’un nouveau souffle trouve malgré tout son oxygène.

C’est un film qui prend littéralement aux tripes, et qui nous noie dans un flot d’émotions fortes, un peu à la manière de Her, de Spike Jonze. Dans cet autre film, Theodore Twombly, un homme inconsolable suite à une rupture difficile, tombe amoureux d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité et aux manques de chaque utilisateur. Les deux films sont assez similaires au niveau du thème abordé, mais j’avoue que l’austérité et la noirceur de la société nippone amène un élan supplémentaire de sollicitude pour ce héros fatigué en quête d’un peu de bonheur facile. Pour résumer : il fait pitié ! ^^ Et sa relation avec Nozomi n’en est que plus profonde au final. Un peu de douceur dans un monde de brutes en somme… Un peu de poésie dans un film résolument pessimiste, mais magnifique !… qui a bien mérité son Grand prix au Festival de Cabourg en 2010…

Pas sûr que mes voisins de fauteuil aient été aussi bouleversés que moi…

Air Doll de Hirokazu Kore-eda
Synopsis :
Tokyo. Une poupée d'air habite l'appartement sordide d'un homme d'une quarantaine d'années. Elle ne peut ni parler, ni bouger, mais elle est la seule compagne de son propriétaire. Il lui parle, prend son bain avec elle, et lui fait l'amour chaque soir, en rentrant du travail. Mais un jour, le fantasme devient réalité : la poupée prend vie et développe des sentiments humains. Comme un nouveau-né, elle découvre un monde inconnu qu'elle aspire à découvrir...
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