Lettre à momo au cinéma le 25 septembre

Trop rare chez nous, les animes qui débarquent au cinéma méritent bien une mise en avant spéciale. Pour l’occasion c’est « Lettre à momo », la dernière production de Hiroyuki Okiura qui arrive chez nous ce mercredi 25 septembre.

Bien que ce ne soit que sa deuxième réalisation après Jin-Roh, ce dernier a une très longue expérience : Animateur clé sur des pépites comme Paprika ou encore Cowboy Beebop, le japonais de 46 ans présente cette fois une histoire bien originale.

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L’histoire :

Trois gouttes d’eau tombent du ciel et rebondissent sur l’épaule de Momo qui tient dans sa main une lettre inachevée écrite par son père, océanographe, disparu en mer. Cette lettre, qui commence par « Chère Momo », est restée blanche. Après ce décès, Ikuko, la mère de Momo, décide de quitter Tokyo avec sa fille et de rejoindre son île natale, l’île de Shio, située dans la mer intérieure de Seto. Les deux femmes vont habiter chez l’oncle et la tante d’Ikuko qui se réjouissent de voir arriver un peu de sang neuf sur leur île vieillissante. La maison de famille n’a pas changé depuis des années. Ikuko rayonne de bonheur à l’idée de la retrouver. Pour elle, ce décor est tout simplement merveilleux ; pour Momo, il est propice à l’ennui d’autant qu’elle n’y connaît encore personne.
Guidée par sa mère pour faire la connaissance des jeunes de l’île et aussitôt prise sous la protection du gentil Yota, Momo ne parvient cependant pas à intégrer la sympathique bande. Le jour où elle est invitée à sauter dans l’eau du haut d’un pont, elle n’y arrive pas. Elle a la tête ailleurs. Elle aimerait savoir ce que son père a voulu lui écrire avant de disparaître. Elle se souvient de la dernière fois où elle s’est disputée avec lui et se sent coupable. Un jour, elle distingue une ombre aux côtés de sa mère. Puis, dans le grenier de la maison, elle découvre que les figures d’un roman illustré ont disparu et elle entend des bruits suspects. Elle prend peur…

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Le dossier de presse nous propose aussi un entretient avec le réalisateur qui nous aide grandement à comprendre mieux son film et surtout le délais qui a été nécessaire à son réalisateur pour le faire :

Enfant, alliez-vous au cinéma ?

Il n’y avait pas de salle de cinéma dans mon quartier. Les films que je voyais   étaient ceux que l’on montrait à l’école ou bien ceux qui passaient à la télévision.  pendant les vacances, le matin, je découvrais des films d’animation comme   Horus, prince du Soleil, Le Chat botté, Les Joyeux pirates de l’île au trésor et  d’autres encore.

Vous avez réalisé Lettre à Momo et en avez également signé le scénario. vous  êtes-vous inspiré de votre expérience pour l’écrire ?

Lettre à Momo est mon premier scénario. Tout au long de sa rédaction, je l’ai  fait relire autour de moi pour comprendre comment il pouvait être perçu. Je me souviens parfaitement de ces moments d’ébullition où les idées survenaient et explosaient dans ma tête comme celle, par exemple, de commencer le film avec  trois gouttes d’eau qui tombent du ciel. C’étaient des moments de bonheur intense.

Je me suis inspiré de ce qui m’entoure. J’ai connu une famille dans laquelle une femme devait s’occuper des siens après la disparition soudaine de son mari.  J’ai imaginé que le mari ou le père les accompagnait du regard.  Je voulais que l’histoire se situe sur les rives de la mer intérieure de Seto,   un lieu magnifique où j’ai passé, enfant, toutes mes vacances d’été. pour l’île de Shio, que nous avons complètement inventée, je me suis inspiré d’une  île réelle, celle d’Osaki Shimojima et de ses villages alentours. Nous avons combiné  divers éléments pour créer un lieu convaincant et réaliste. L’histoire avec les trois monstres est venue s’ajouter sur la fin.

Ces yōkai,  je les ai complètement inventés en m’inspirant d’un kibyoshi, un livre de la période Edo, un de ces livres illustrés que Momo feuillette dans le grenier. J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à dessiner ces monstres d’autant qu’ils sont plus faciles  et plus drôles à exécuter que les humains. Au Japon nous avons une expression  « kimokawaii », qui se traduirait en «monstrueusement-attachant ». Cela pourrait convenir pour Mame.

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Un thème aussi dramatique que le deuil d’un parent est plutôt rare dans le cinéma d’animation. Comment vous êtes-vous résolu à l’évoquer ?

Je suis persuadé que nous avons tous le désir de rester connectés avec ceux que l’on aime et qui ne sont plus parmi nous. Je voulais réaliser un film autour de ce sentiment universel. Aborder un thème aussi dramatique et délicat que la mort n’est pas simple, mais dans Lettre à Momo, la présence des yōkai apporte une dimension comique qui m’a permis d’éviter toute lourdeur.

 De l’écriture à la post-production, la réalisation du film a pris sept ans : un véritable parcours du combattant. Qu’est-ce qui vous a pris le plus de temps ?

L’écriture du scénario m’a pris deux ans environ, ensuite j’ai commencé à développer un Storyboard et puis j’ai été appelé à travailler sur un autre projet… Lorsque nous avons commencé le film, j’ai voulu superviser moi-même l’animation  des personnages. Côté technique, Lettre à Momo a été réalisé en 2D. Toutes les images clés ainsi que les images intermédiaires ont été dessinées à la main avec tout simplement un stylo et du papier avant d’être scannées. Au Japon, cette technique est aujourd’hui encore la plus répandue alors que, sans doute, la tendance générale au tout numérique est suivie par le reste du monde. Je ne suis pas opposé à l’animation réalisée à 100 % sur ordinateur, néanmoins, pour raconter une histoire avec des sentiments humains, je préfère un dessin signé par une main à une somme d’informations élaborées par une machine.

On a l’impression qu’avec Lettre à Momo, un film aux couleurs pastel et au récit d’apprentissage réaliste, vous prenez le contrepied de l’atmosphère sombre et violente de Jin-Roh : la brigade des loups votre premier long métrage…

Scénarisé par Mamoru Oshii, Jin-Roh : la brigade des loups était un film sombre et noir. Lettre à Momo est l’aboutissement du désir de donner forme à un film entièrement personnel. Je lis la littérature destinée aux enfants depuis mes plus jeunes années. Je me souviens avec précision du premier livre que j’ai emprunté à  la bibliothèque. C’était un épisode de la série des bill bergson d’Astrid Lindgren.  J’ai toujours rêvé d’écrire une histoire qui communique à chacun un peu de bonheur et qui vous donne des forces. On pourra me reprocher mon manque d’originalité, mais je crois au contraire que les films comme Lettre à Momo ne se font plus vraiment aujourd’hui, et c’est même peut-être la vraie raison d’être de ce film.

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Pour qui avez-vous réalisé ce film ?

Je n’avais pas de cible particulière en tête. il est bien sûr possible d’épouser le point de vue de Momo, mais on peut également voir le film selon l’angle de la mère ou celui du vieil oncle et je n’exclus pas que certains puissent s’identifier aux monstres…

Mise à part la présence fantastique des yōkai, le film est si réaliste, si naturaliste, que l’on a l’impression parfois qu’il aurait pu être tourné en prise de vues réelles…

Je n’ai jamais pensé réaliser un film en prises de vues réelles, le cinéma  d’animation est la seule chose que je puisse faire. Le grand pari de Lettre à Momoétait de pouvoir intégrer tout le poids de la réalité du monde dans une atmosphère légère. Pour le naturel, ma source d’inspiration a été Kié la petite peste d’isao Takahata. C’est un film avec une forte composante burlesque et néanmoins chaque détail concernant les personnages est décrit avec le plus grand soin : leur personnalité, leurs gestes, leur manière de marcher ou de se retourner quand on les appelle, ils ressemblent tous à des personnes réelles. J’ai rarement vu de film d’animation qui prenait autant de soin pour détailler des gestes du quotidien.  De la somme de ces gestes, émane la subtilité des personnages.

Sur l’île, comme le suggère l’horloge de la famille, le temps semble s’être arrêté…

Je ne le vois pas de cette manière. Certes, il y a très peu d’enfants et on pourrait croire que l’île est en train de perdre toute sa vitalité. Mais en même temps, le fait que l’île soit peu agitée peut être vu comme un élément positif. L’île de Shio,  même si elle est très identifiée, ressemble à beaucoup d’îles japonaises d’aujourd’hui.  Pour ce film, le décor joue véritablement un rôle. Je voulais que chaque spectateur, après avoir découvert le caractère paisible et magique des lieux, désire habiter l’île.