Critique : Mundane history de Anocha Suwichakornpong

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4.5

Mundane History est le 1er long-métrage de la réalisatrice thaïlandaise Anocha Suwichakornpong.

Mundane History raconte l’histoire de Pun, un aide à domicile, qui est engagé pour s’occuper d’Ake, un jeune homme paralysé des jambes, suite à un accident de voiture. Ake reste la plupart du temps silencieux, ne souhaitant pas sortir de sa chambre, ou voir des membres de sa famille. La tache est difficile pour Pun qui hésite un temps à démissionner, mais qui reste finalement auprès d’Ake réussissant à nouer un début de relation…

Un homme s’occupe d’un autre homme, le nourrissant, le lavant, le couchant, le récit de Mundane History est simple mais loin d’être simpliste. La cinéaste montre la monotonie d’un homme handicapé résigné à ne plus vouloir vivre normalement, ne plus communiquer, ne plus échanger. Au délà de son handicap moteur, Ake (Paramej Noiam) s’enferme dans son monde sans vie, ce qui devient son véritable handicap.

Anocha Suwichakornpong met en scène le figé et le vide. Le figé, à travers des plans fixes, lents, et répétitifs, mais aussi bien entendu en montrant Ake, figé, sur son lit, ne souhaitant avoir aucune actvité. La cinéaste met en scène aussi le vide, d’abord celui de la maison, semblant inhabitée à travers une série de plans poètiques avec une voix off, renforçant le vide de la vie d’Ake, mais aussi celui de Pun (Arkane Cherkham). L’aide-soignant n’a visiblement pas de femme ou d’enfant, son travail est de s’occuper 24h sur 24 du jeune handicapé. Leur point commun : ils leur restent le souvenir de leur rêve. Pun voulait devenir ecrivain, et Ake avait étudié la mise en scène de cinéma. Après avoir partagé leur rêve, les deux hommes vont s’apprivoiser et partager des conversations, tour à tour anodines ou plus philosophiques.

Tout en montrant les choses, la mise est en scène ne tombe jamais dans le voyeurisme, il y a de la pudeur dans chaque plan, quand il s’agit de montrer la toilette d’Ake, ou quand celui-ci dans un ‘dernier’ instinct de vie, essaye de se masturber. La mise en scène de Anocha Suwichakornpong nous montre les choses par touche impressionniste, toujours un peu éloignée des protagonistes, comme si on était des témoins de la maison.

Anocha Suwichakornpong déstructure sa narration, nous montrant d’abord la fin des séquences puis ensuite leur début. Ce montage inversé perd le spectateur dans l’avancée de la relation Pun /Ake. Ce dispositif rajoute de la tension et de la fébrilité à cette relation, mettant en exergue la difficulté à communiquer des deux hommes.

S’ajoute à cette destructuration des séquences expérimentales, dont une nous montrons un ballet d’étoiles rappelant la porte des étoiles de 2001 l’odysée de l’espace, s’achevant sur une super nova. Cette image représentant l’énergie (la vie ?) et la mort de l’étoile est-elle une réflexion d’Ake sur sa propre mort ? L’explication rationnelle n’a pas de réelle valeur ici, ce qui compte dans cette proposition d’Anocha Suwichakornpong est cette approche sensorielle qui parcourt tout son film. A noter l’excellente musique rock psyché qui ponctue le film et aide à l’immersion.

La cinéaste thaïlandaise nous plonge à la fois dans l’intime et l’universel, son film sonde les âmes de ses personnages ainsi que celle de ses spectateurs, un beau voyage à faire.

Mundane History pourrait être le genre de film qui cherche le pathos à tout prix, mais la cinéaste Anocha Suwichakornpong évite cet écueil, transcendant son sujet et nous proposant une belle histoire d’humanité à travers un cinéma sensoriel.