Critique : Baby Cart Volume 1 : Le Sabre de La Vengeance de Kenji Misumi

A l’aube de la décennie 70, Kenji Misumi, grand nom du chambara pour ses précédentes réalisations (La saga Zatoichi (1962-1973), la Trilogie du Sabre avec la star Raizô Ichikawa (1962-1964)), adapte le célèbre manga en 28 volumes de Kazuo Koike et Goseki Kojima, Lone Wolf And Cub (1970). Entre 1972 et 1973, Misumi signera quatre épisodes de la saga du ‘loup à l’enfant’.

Produit par Katsu.Prod, boîte de production de Shintaro Katsu, Le Sabre de la Vengeance, premier volet d’une saga en six actes, narre le destin d’Ogami Itto, bourreau déshonoré du Shogun, errant avec son fils sur les routes chaotiques d’un Japon médiéval et maladif.

Le nihilisme à la Snake Plissken d’Ogami Itto baigne dans un long flot de déjections, propagé par un système incontesté et incontestable, dont l’excroissance la plus pure est incarnée par le maléfique clan Yagyu, contrôlé par le cruel Retsudo, croisement entre Richelieu et un sorcier païen.

En moins d’une heure et demie, toute la démesure stylistique du manga de Koike-Kojima va se greffer à la personnalité torturée de Misumi : l’emploi d’un espace filmique oscillant entre zones désertiques et baraquements rendus poisseux par la crasse où se fomentent les pires complots, la bestialité des différentes confrontations mises en relief par des sonorités minimalistes (le bruit de la pluie, le choc des lames à peine sorties de leur fourreau….) et par la photographie de Chishi Makiura changeant l’acier des katanas en cristal.

Par une technique ‘Sui-O sabre anti-cavalerie’, on se charcute, les corps sont démembrés, le sang coule en geysers…La peinture d’une réalité vomitive, consolidée par des flashbacks narrant la descente aux enfers d’Ogami Itto et rythmée par les mélodies envoûtantes et fiévreuses de Hideaki Sakurai, proche des délires schizo-funkys des frères De Angelis, illustrent un premier volet désenchanté et émouvant, fruit d’un nouveau dynamitage des codes du chambara par un Kenji Misumi au meilleur de son art.

Le Sabre de la Vengeance enclenche la réflexion sur la solitude et sur la perte de l’honneur, catalysée par une symbolique du sabre en tant qu’un instrument de mort, unique garant de la non-transgression d’une frontière entre bien et mal. Choc visuel et narratif, ce premier épisode absorbe toute la mythologie du samouraï banni.