Critique : Les Sept Samouraïs de Akira Kurosawa

Les Sept Samouraïs (1954) ou le film japonais par essence, un tourbillon de forces créatrices, Kurosawa entrant peu à peu dans l’Histoire. Cette fresque de plus de trois heures est un monument rendu à la bravoure, aux hautes figures vengeresses, à l’art de la guerre. Se battre et défendre par le cœur, pour la survie, pour la défense des siens et des opprimés.

Pour son dix-septième film, Kurosawa s’entoure de ce qui se fait de mieux, Shimura le premier alter ego, Mifune le second, Seiji Miyaguchi, Isao Kimura. Visages ou ombres dans la filmographie du maître. Un scénario simple s’enclenche sur la colère d’oppresseurs à l’armure lourde, décidant du haut de leurs montures du destin de campagnards proches des misérables du Pather Panchali (1955) de Satyajit Ray.

Un kidnappeur est terrassé sans une once d’agressivité, les forces de l’esprit plongé dans un déluge de damnation sont captés par un Slow Motion ante-peckinpesque jusqu’à l’assaut final. L’atmosphère des Sept Samouraïs s’étire dans une photographie de meurtrissure, l’hymne composé par Masaru Sato est barbare et mélancolique. Les cieux se déversent sur le fardeau des hommes. Kurosawa libère les éléments : soleil de plomb, pluie torrentielle, le maître s’entoure de forces naturelles. Sept hommes, des paysans ingrats et opprimés, sept silhouettes. Un sacrifice est annoncé. Kurosawa annonce le soleil et l’acier.

Peu d’épanchement, presque pas de chaleur humaine mais beaucoup d’ingratitude de la part de paysans humiliés et offensés; Akira Kurosawa filme de la prose dostoïevskienne. Quand le paysan ramasse un à un les grains de riz que l’on vient de lui jeter au visage, profond est le désespoir. Entre lutte pour le territoire et étendard des identités, Kurosawa va au nerf. Shimada-Shimura est une figure sur laquelle on peut se reposer, le garant d’un ordre nouveau.

Devant une cascade enluminée par le noir et blanc d’Asakazu Nakai, Kikuchiyo-Mifune se contorsionne, grimace, saute comme un cabris, motivé par un besoin sensible de reconnaissance de la part de mercenaires portant le sabre à gauche, Kikuchiyo et ceux de la Terre. Akira Kurosawa filme l’homme véridique, canalise l’authentique à travers des échanges purs. Plus de bavardages, les pillards sont ceux qui tergiversent.

Akira Kurosawa s’écarte encore un peu plus du nombril, se tourne vers un déchaînement pluri-christique, balaie tout égocentrisme. Les hommes sont pleins car ils agissent par le biais de la morale. La guerre est le théâtre du sacrifice. Donner et ne rien recevoir. Éternel.

La note des internautes :