Critique : Le Cimetière de La Morale de Kinji Fukasaku

En 1975, Kinji Fukasaku réalise Le Cimetière de la Morale adapté d’une nouvelle de Goro Fujita, avec Tetsuya Watari et l’angélique Yumi Takigawa, héroïne maladive du Couvent de la Bête Sacrée (1974) de Norifumi Suzuki. Habile à montrer la décadence de l’humanité, le père Fukasaku abandonne son spectateur dans un univers de désolation, où des putes tuberculeuses pour la plupart mineures balancent leur postérieur à la face de yakuzas rigolards venant juste de se perforer les câbles. Loin des yakuzas silencieux d’un Takeshi Kitano, ceux de Fukasaku sont pleins de bruit et de fureur…..Pour Fukasaku, la misère de l’homme durera toujours.

La nervosité du montage de Osamu Tanaka, la photographie de Hanjirô Nakazawa (chef opérateur attitré de Fukasaku, mais aussi de Norifumi Suzuki et de Junya Sato) entre teintes cadavériques et spotlights psychédéliques, la succession de plans contemplatifs faisant naître l’idylle entre Cheiko et Ishikawa alimentent un récit certes simpliste, mais débouchant adroitement sur une magistrale interrogation sociale.

L’antihéros absolu, bâtard de Dieu, Rishi Ishikawa passe pour un personnage clairement antipathique. A mesure que l’intrigue progresse, Ishikawa ne s’avère être qu’un incompris condamné dès la plus tendre enfance. Point de sentimentalisme ou d’excès de miel, mais simplement l’illustration d’un homme et de son spleen dans une société défigurée par le passé. L’esprit chevaleresque a disparu, le Japon est à genoux, la morale est enterrée. Dieu est aveugle et sourd.