Critique: Aachi and Ssipak de Jo Beom-jin

Je ne sais pas si c’est parce que les autres pays sont moins intéressés par le domaine ou si c’est juste parce qu’ils ont plus de mal à s’exporter, mais plus de 95% des films d’animations qui arrivent du continent asiatique sont japonais. Au moins 95%. Alors, pour peu qu’on soit un peu curieux, quand on entend parler d’un film d’animation coréen, on a envie d’en savoir plus. D’autant que le cinéma coréen est de plus en plus kiffant, alors si tous ces jeunes gens ambitieux veulent s’attaquer au monde de l’animation, l’affaire est à suivre de près. Voilà du concert : le film s’appelle Aachi and Ssipak, est réalisé par un certain Jo Beom-jin, est sorti en 2006, et a même trouvé un distributeur français après avoir été diffusé à droite à gauche dans quelques petits festivals où il n’a pas manqué de faire sensation. Les producteurs devaient bien se douter que leur film se ferait remarquer de toute manière : violent, vulgaire, dégueulasse et gratuit, Aachi and Ssipak ne cherche pas à être discret. Il rentre dans le lard, et emmerde le reste. Et ce n’est pas le fait qu’il n’ait absolument rien à dire qui l’empêchera de faire du bruit.

L’histoire se déroule dans un futur dystopique et subtil où les excréments humains sont devenus la principale source d’énergie. Dès leur naissance, tous les citoyens ont donc une micropuce électronique implantée dans le rectum, ce qui permet au gouvernement de surveiller la « production » individuelle, et de récompenser les plus actifs par de la drogue glacée hautement addictive. Au milieu de cette univers parfumé, deux racailles à la petite semaine et une actrice porno providentiellement dotée d’un cul superproductif sont embringués dans un conflit monstrueux impliquant à la fois la mafia locale, les forces gouvernementales et leur superflic robocopesque, et le gang des couches-culottes, constitué de schtroumpfs au QI de lapins crétins®.

Comme on peut s’en douter, le genre d’humour qu’on trouve dans Aachi and Ssipak n’est pas exactement ce qui se fait de plus délicat. Ceci étant dit, la bonne surprise, c’est que le film est finalement moins gras et lourdingue que ce à quoi on pourrait s’attendre. Certains moments de l’intrigue sont même tellement bien foutus qu’on en oublierait presque que faire un film sur la merde est complètement ridicule ; ce détail passe alors à la trappe, et on se retrouve captivé par l’histoire pour tout ce qu’elle a à offrir d’entourloupes, de retournements de situations et de grandes scènes d’action épiques à souhait.

L’action, c’est certainement le meilleur point fort d’Aachi and Ssipak qui, quitte à annoncer dès le départ qu’il ne ferait pas dans la dentelle, réussit au moins à ne pas perdre ses couilles en cours de route et nous bombarde de fusillades et courses-poursuites toutes plus réussies les unes que les autres. On y retrouve des influences de Mad Max (pour la première scène), d’Indiana Jones (pour le fameux coup des mines) et du genre super-héroïque en général, pour un florilège de bastons vraiment bluffantes du début à la fin, assez inventives pour qu’on ne s’en désintéresse pas, et assez jolies visuellement pour qu’on puisse respecter le boulot de l’équipe technique au-delà des aspects comiques du film.

Aachi and Ssipak est une grosse marmite cyberpunk aux couleurs criardes et aux saveurs parfois trop épicées, un bon divertissement sans arrière-pensées et méchamment décomplexé qui semble n’avoir d’autres limites que la tolérance du spectateur. Bien qu’on puisse commencer à se lasser au bout d’1h30 de ce délire furibard et bordellique non-stop, il a au moins le mérite d’exister, et laisse présager du meilleur pour la suite de l’évolution du cinéma d’animation coréen.